Jean Carrard est né à Baden le 18 janvier 1919. Il a fréquenté l'école primaire et le gymnase à Zürich où sa famille avait déménagé. Grâce à sa mère, le français était parlé à la maison, et bien sûr l'allemand à l'école, mais ce bilinguisme n'a pas causé de difficultés à Jean.
Il étudie les sciences naturelles à l'Université de Lausanne, puis devient responsable de la formation des apprentis dans la grande usine Dubied de Couvet. Durant les nombreuses années qui suivirent son départ, il resta en contact étroit avec ses anciens apprentis jusqu'à la fin de sa vie (voir la contribution de J. Kaufmann).
Dès l'ouverture du centre de Caux en 1946, Jean y consacre ses capacités avec joie et conviction. Il serait impossible de relater ici tout ce qu'il a entrepris dans le cadre du Réarmement Moral, d'abord seul puis avec Emmina, en Suisse et dans le monde entier.
Jean consacre une grande partie de son temps aux problèmes des relations humaines dans l'industrie. Quant au deuxième temps fort, ce sont les termes réconciliation, dialogue et changement qui viennent à l'esprit. Lors d'une visite à Beyrouth, Jean rencontre le consul suisse au Liban. Ce dernier fait remarquer à Jean que les nuages sombres qui s'amoncellent sur le Jura suisse représentent une réelle menace pour la paix et l'unité du pays. Il a suggéré indirectement que Jean fasse quelque chose à propos de la situation
Les Carrards ont entendu ce message et se sont également impliqués dans le Jura. Cela a donné lieu à un travail d'équipe intense avec des personnes de tous horizons. Puis ce fut le Tyrol du Sud, qui connaissait également des années de conflit à cette époque. Jean et Emmina sont restés en contact avec les personnes qu'ils ont rencontrées dans le Jura et le Tyrol jusqu'à aujourd'hui.
Jacky Brandt, Bulle : Déjà dans les années 50, Jean entretenait des relations amicales avec mes parents ; il venait et "
Il racontait ses visites à Bolzano, avec ses connaissances et amis de deux cultures différentes du Haut-Adige qui avaient trouvé un terrain d'entente et de réconciliation après leur séjour à Caux. Jean s'y rendait fréquemment depuis Lavin, le pays natal d'Emmina, où ils passaient leurs vacances. Il m'a également parlé de ses préoccupations à l'égard des Jurassiens, à une époque où la lutte pour l'indépendance du Jura battait son plein. Afin de contribuer à trouver une solution à ce problème, tous deux avaient élu domicile à Moutier depuis quelque temps.
Son expérience de jeune cadre dans l'entreprise Dubied à Couvet l'avait amené à aimer autant un employé qu'un industriel. Jean m'a encouragé en tant que patron à prendre des décisions en obéissant à ma conscience. Même si ces décisions étaient parfois difficiles à mettre en œuvre, elles trouvaient rétrospectivement des solutions inattendues et durables.
Jean avait une vision de service de l'économie qui, au-delà de son rôle matériel, devait inciter les employeurs et les syndicalistes à prendre en compte les besoins de l'être humain et de la collectivité. Il était avant tout soucieux de la paix sociale et de l'intégrité du pays. Il était "présent" aux réunions de réflexion sur ces questions. Jean a fait preuve d'une grande loyauté et de sa volonté de se mettre à la place des gens, parfois par un simple mot.
Jean a alors l'idée géniale de réunir deux de ses passions : d'une part la montagne et d'autre part la transmission d'un savoir et d'un message aux autres, afin d'emmener des jeunes passer une semaine en Valais, apprendre les techniques de l'alpinisme ainsi que les leçons de vie. L'expérience a été un tel succès que seize autres de ces camps ont suivi, pendant quatorze années consécutives. Près d'une centaine de jeunes de plus de dix nationalités différentes ont tenté l'expérience. Une équipe s'est constituée autour de Jean, avec Philippe Lasserre, Jacques Henri, Andrew Stallybrass, et bien d'autres occasionnels. Au fil du temps, Etienne Piguet et moi sommes passés de participants à moniteurs et organisateurs... ainsi qu'amis de Jean. Et une telle amitié, à près de deux générations d'écart, est quelque chose de rare et de précieux, quitte à recevoir parfois un coup de fil de Jean un dimanche matin à 7h du matin, ou plutôt à 7h00 !
Sa personnalité fougueuse dégageait une certaine paix intérieure. Il a dit au revoir et a souhaité à son ami un bon voyage. C'était étonnant, sa foi était toujours là, avec l'expérience quotidienne du changement personnel. Et son attention aux autres restera un cadeau inoubliable dans ma vie.
Il est décédé le 15 février 2008.