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Marlies von Orelli (1918-1997)

Avis de décès Zig Zag 1997-12

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Pour le service religieux du 13 octobre à l'Eglise de St-Luc à Lucerne, j'avais noté différentes choses en rapport avec la vie de maman. Monica et Folker ont retravaillé ces notes avec Christoph et moi, et le Pasteur Alfred Kunz (que nous remercions ici tout spécialement pour sa prédication empreinte de joie, de consolation et aussi de mise au défi, ainsi que pour l'organisation du service religieux) nous a demandé à tous les quatre de lire ces textes à l'église.

Voici quelques passages de mes notes. Marianne Spreng Une vie de plénitude, avec "ses hauts et ses bas" Notre mère, Marlies Hildegard Ella Wenner, est née à St-Gall le 7 juillet 1918, au moment même où déferlait une vague de grippe. Sa grande soeur la dépeint comme une enfant affectueuse et gaie, aimant la nature et le mouvement. Elle entendit un jour la petite Marlies chuchoter à une mouche posée sur le bord de sa chaise "S'il te plaît, s'il te plaît, chère petite mouche, sauve-toi maintenant!"

Elle était aussi passionnée de lecture, et dévorait les livres. Encore enfant, elle faisait preuve d'indépendance et tenait la conversation, au salon, avec les compagnons de danse et admirateurs de ses soeurs, de 9 et 11 ans plus âgées. "Une vraie petite dame", selon sa soeur. Son père, qui était pédiatre, s'entendait particulièrement bien avec elle. Il la prenait en courses de montagne, elle, la plus jeune, si joyeuse. Elle avait neuf ans lorsque son père décéda subitement. L~ famille déménagea chez la grand-mère, à la Dufourstrasse. Elle aimait vivre dans cette petite maison du Rosenberg, avec sa grand-mère, sa mère et ses soeurs.

C'était un foyer où l'art, particulièrement le chant et le théâtre, jouaient un grand rôle. Après le collège et divers cours "utiles", notamment un cours de "cuisine moderne et soignée" achevé avec la mention "bien", elle suivit une formation en gymnastique et en gymnastique curative à Berlin et à Zurich. Elle exerça sa profession dans diverses cliniques et établissements hospitaliers. Le médecin-chef à l'Hôpital de Rüti attesta dans son certificat: "personne de confiance et adroite, établit de bons contacts".

En 1943, elle se fiança avec le zurichois Konrad Von Orelli, un étudiant en droit. Suivit une vie mouvementée: en 1946, mariage à la chapelle de Caux, avec la valse de mariage dans la salle de bal de l'ancien Caux-Palace, un bâtiment que tous deux, dans un élan qu'ils partageaient avec beaucoup d'autres, avaient aménagé en centre de conférence au cours des mois précédents. En 1947 leur fille Marianne vit le jour, suivie de Monica en 1949. De 1948 à 1960, notre famille vécut à Berne à différentes adresses. Notre maman était une mère joyeuse, sportive; elle jouait avec nous, chantait beaucoup, et c'était merveilleux de l'entendre raconter ou lire des histoires. Elle répondait avec patience à nos mille questions et admettait franchement quand elle ignorait la réponse. Son tempérament vif conduisait parfois 2 à des éclats, plus fréquents alors que par la suite. Mais ce qui faisait du bien, c'est qu'elle pouvait s'excuser sincèrement, même auprès de ses enfants, une fois la tempête passée.

A cette époque elle participa à des campagnes du Réarmement moral au Nigeria, en Scandinavie et en Grande-Bretagne. En 1960 nous nous installâmes à Caux au "Castelet", cette petite maison aux volets verts. En 1965, déménagement à Lucerne. Maman s'est bien adaptée à ce changement, mais en 1968 débuta un nouveau chapitre, inattendu et douloureux: papa était atteint d'un cancer du sang peu commun. Et en 1971, au retour d'une visite à l'hôpital, maman fut victime d'un grave accident de voiture, avec brûlures, fractures et diverses blessures. Hospitalisée durant une année et demie, elle réapprit progressivement à respirer, à voir, à parler, à chanter et même, à l'étonnement de tous, à marcher. Durant les vingt années qui suivirent, le rythme de vie de nos parents fut marqué par la maladie et l'invalidité. Maman avait conservé sa gaîté, son énergie, sa vitalité, son sens de l'hospitalité; sa personnalité avait été comme purifiée par l'épreuve.

Le décès de papa, en juin 1992, la frappa de façon déchirante, mais là aussi elle parvint étonnamment vite à retrouver une ViE!de plénitude. En mai 1994, elle fut atteinte d'un infarctus et d'une rupture de l'aorte. Pendant des mois, elle demeura aux soins intensifs puis dut se soumettre de nouveau à des mesures de réadaptation, à Montana. Une fois de plus il lui fallut réapprendre à respirer, à s'asseoir, à marcher, à parler, à prier et même à chanter. (Mais cette fois cela sonnait tout de même un peu plus rauque!)

En 1996, elle déménagea au foyer pour personnes âgées "Wohnheim Wesemlin". C'est là qu'elle s'est endormie paisiblement, le 3 octobre, après quelques jours de dur combat contre l'étouffement et la douleur. Dans sa petite Bible de poche, élimée par l'usage, nous avons trouvé de nombreux passages soulignés. Quelques-uns étaient même marqués d'un trait épais ou double. Ainsi, dans l'Epître aux Galates, chapitre 5, verset 22: "Voici le fruit de l'Esprit: amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur, maîtrise de soi." C'est à cela que maman s'est consacrée. Elle avait quitté la maison familiale très tôt, s'était engagée activement dans sa profession, était de nature indépendante et ouverte à la vie. Elle ne s'était pas sentie particulièrement attirée par un Dieu chrétien, mais avait un profond respect de la Création.

Parlant du jeune étudiant qu'elle aimait, Koni von Orelli, débordant d'enthousiasme, elle trouvait qu'il avait "des idées vraiment folies", avec ces gens des Groupes d'Oxford "qui sont toujours à lire la Bible!" - "Avec des idées si totalement différentes des miennes ...". Et pourtant, quand il lui demanda de devenir sa femme, elle sut aussitôt avec certitude qu'elle répondrait "oui". Elle était prête à partager sa vie. Par amour, elle désirait saisir le feu qui l'animait, découvrir sa vocation. Cela a pris du temps. Tranquillement et sans façons, elle se mit à faire la connaissance de Dieu et du Christ. Dans sa recherche, elle fut aidée par les nombreux cantiques que papa, comme fils de pasteur, connaissait et chantait volontiers.

Bien qu'elle en eût peu parlé, elle nous a aussi aidés, ses enfants, à trouver le chemin de la foi. Après son accident, lorsqu'elle émergea d'un coma qui avait duré des semaines, ce furent ces cantiques qu'elle demanda à entendre pour retrouver le courage de vivre. Un autre passage qu'elle avait souligné se trouvait au Chapitre 12 de l'Epître aux Romains, versets 9, 10 et 12: "Que votre amour soit sincère. Fuyez le mal avec horreur, attachez-vous au bien. Que l'amour fraternel vous lie d'une mutuelle affection." Maman cherchait à rester fidèle à cela. Elle ne disait que ce qu'elle tenait pour juste et vrai. Elle était prête à nager à contre-courant, à défendre son point de vue (ce qu'elle faisait d'ailleurs admirablement!), par exemple au sujet de l'éducation des enfants et dans bien d'autres domaines.

Un jour, pour apprendre que chaque être humain a une valeur unique, on s'était 3 préparé intensément à accueillir pour le thé "une âme royale". Tandis que toutes endimanchées nous faisions le guet à la fenêtre, maman se précipita vers une vieille connaissance de la famille, l'accueillit solennellement et l'invita à partager toutes nos friandises. A la question: "Quand donc viendra l'âme royale?" maman répondit simplement: "Elle est là!" "Que l'amour fraternel vous lie d'une mutuelle affection." Sur ce point aussi maman a voulu être fidèle. Elle a toujours donné son coeur: à son fiancé et plus tard à son mari, spécialement durant ces longues années de maladie, et à beaucoup, beaucoup d'autres.

Elle était aussi très liée avec ses soeurs aînées et leur famille. Au fil des décennies, beaux-parents et belles-soeurs, et leur famille, sont devenus de vrais amis. Gagner une discussion ne l'intéressait guère. Construire une relation vraie, malgré des opinions divergentes, tel était son dessein, et souvent elle y parvenait. Des amis et connaissances de maman nous ont écrit: "Son courage inouï, sa voix, son rire joyeux, fruit d'un merveilleux sens de l'humour, tout cela demeure présent - profonde reconnaissance."

Et une autre lettre: "Je me souviens bien de ses interventions dans les groupes de discussion. C'était direct et d'un réalisme rafraîchissant, que venait compléter la profondeur pleine d'imagination de Koni." Une amie de l'époque de ses fiançailles écrit: "Quand nous étions ensemble, ce n'était jamais superficiel. On pouvait s'ouvrir à elle sans réserve. Sa foi et sa piété s'exprimaient à travers son amour de la vérité." Dans une autre lettre nous lisons: "Dépourvue de toute sentimentalité elle était en mesure de me conseiller, elle me prenait au sérieux et était pleine de compréhension. Elle était profondément sensible à l'authenticité." Nous autres, les enfants, revoyons le fil d'une vie façonnée par sa foi directe et honnête, par sa capacité d'être à l'écoute des autres, par sa disponibilité. Nous nous souviendrons toujours avec quelle force elle pouvait exprimer sa joie ou son mécontentement. L'expression de son visage indiquait déjà à son vis-à-vis ce qu'elle pensait de lui et de ses idées. Elle pouvait aussi construire des relations par le simple rayonnement de son regard et la clarté de son rire. Nous sommes infiniment reconnaissants Pour cette vie de plénitude.

Et maintenant, encore quelques mots sur l'année et demie qu'elle a passée au foyer "Wasmeli" (comme l'appellent les lucernois). Ce fut un chapitre pour soi. Durant ces derniers mois, elle s'exprimait de façon très directe et sans fard, sans le filtre des formules de politesse. Lorsque la douleur devenait insupportable, il lui arrivait de crier tout haut: "Mischt! (fumier!)". Et une fois elle ajouta même: "Saloperie de fumier! et le Seigneur peut bien l'entendre aussi." Mais elle savait aussi exprimer sa reconnaissance: "Que je suis bien entourée ici. Ils prennent si bien soin de moi." Elle jouissait de la vue sur les grands vieux sapins devant sa fenêtre, avec une multitude de petits oiseaux. Finalement elle s'était même liée d'amitié avec les chats. "Vois-tu, me disait-elle, on n'est jamais trop vieux pour apprendre quelque chose!" Lorsque sa respiration est devenue plus difficile, notre voix s'est faite automatiquement plus douce au moment de prier ensemble le "Notre Père". "Mais on n'entend plus rien", protesta-t-elle, "prie donc un peu plus fort!" Même lorsqu'elle n'eut plus la force de dire toute la prière avec nous, son "Amen" résonnait, presque toujours, clair et sonore. Nous ne savons pas ce qu'elle a perçu, tout à la fin, des versets bibliques lus à son chevet et de nos chants, ni ce qui du fond de son coeur montait vers Dieu.

Le soir du 3 octobre, après lui avoir chanté son chant favori "Herr bleibe bei uns" (Seigneur, reste avec nous), j'ai continué avec: "Oh! wie wohl ist mir am Abend" (Oh! qu'on est bien le soir ..., ce canon qui parle des cloches qui appellent au calme le soir). Et à la 4 fin du dernier couplet elle poussa un gros soupir, pencha la tête de côté et s'endormit pour toujours - juste avant que la clochette du couvent capucin voisin annoncé la tombée de la nuit. A la fin du service religieux, nous avons chanté tous ensemble le chant "Prends en ta main la mienne", qu'elle demandait si souvent, spécialement les derniers temps. Prends en ta main la mienne, et guide-moi! Que ton bras me soutienne, je suis à toi! Sans toi je ne puis faire même un seul pas. Prends-moi donc, ô bon Père, entre tes bras. Enrichis de ta grâce mon pauvre coeur: pour moi son prix surpasse joie et douleur. A tes pieds se repose ton faible enfant. Je ne sais qu'une chose: vivre en croyant. Lorsqu'en sa bienveillance mon Dieu m'instruit, vers le but je m'avance, même en la nuit. Prends ta main en la mienne et me conduis; que ton bras me soutienne, car je te suis.

Fin novembre 1997 Chers amis, Beaucoup d'entre vous avez connu notre mère. Pour moi, deux choses sont importantes: tout d'abord, la gratitude pour notre mère - et naturellement aussi pour notre père. Certes, comme probablement tous les parents, ils ont aussi parfois commis des erreurs. Mais maman était honnête dans ses décisions et fidèle à ses convictions. L'opinion des autres ne semblait guère l'intéresser. Peut-être est-ce aussi en partie cela qui lui a donné la force de surmonter les hauts et les bas de la vie. Cela m'amène au deuxième point: nous voudrions vous remercier tous du fond du coeur. C'est seulement grâce à vos prières, votre fidèle amitié, vos visites, votre appui sous les formes les plus diverses, que notre famille a pu vivre, et cela dès le départ. C'est ainsi que la famille tout entière, spécialement nos parents et nous deux, avons pu traverser des temps difficiles. Le 13 octobre, nous n'avons pas pu, après la cérémonie, parler comme nous l'aurions souhaité avec bien des personnes que nous avions aperçues à l'église. Nous voudrions vous remercier aussi de votre amitié et de votre fidélité. L'expression chaleureuse et profonde de votre compassion qui nous porte restera gravée, avec reconnaissance, dans notre coeur.

Monica et Folker Mittag - von Orelli Nous nous joignons de tout coeur à ces paroles de remerciement et nous réjouissons de vous retrouver bientôt et de pouvoir continuer à travailler avec tant d'entre vous. Avec nos salutations pleines de reconnaissance et nos voeux les meilleurs pour une paisible période de l'Avent, un Noël joyeux et lumineux et une nouvelle année bénie par Dieu.

Marianne et Christoph Spreng - von Orelli

Article language

French

Article type
Article year
1997
Publishing permission
Accordé
Publishing permission refers to the rights of FANW to publish the full text of this article on this website.
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Article year
1997
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Accordé
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