Un des pionniers de Caux, notre fidèle ami René Thonney, l'inoubliable « Homme au Sac» de la pièce L'Echelle qui, dès 1965, a sillonné la Romandie dans une soixantaine de localités, s'est éteint paisiblement dans sa 84e année. Lui qui, à 18 ans, voulait en finir avec la vie! A la veille de sa mort, il adressait, avec l'un de ses grands sourires, ces dernières paroles à ses amis Grandy venus le voir à l'hôpital: Jésus est en moi ; je suis en Lui - c'est tout ce qui importe.
Comment se fait-il que le jeune Vaudois qui avait changé 15 fois de métier soit resté engagé corps et âme pendant plus de quarante ans dans le travail du Réarmement moral, à tenir la caisse à Caux ? Dans son émouvant témoignage lors du service funèbre à Montoie, le président de la Fondation, Marcel Grandy, poursuit en retraçant le parcours peu ordinaire de René, auquel rien ne semblait le prédestiner.
René venait d'une famille très modeste des hauts de Lausanne, le Chalet-à-Gobet. Il a connu une jeunesse difficile: c'était pendant la guerre, période de crise et de chômage. Dès sa sortie de l'Ecole de Commerce il n'hésita pas à accepter tous les emplois qui se présentaient: de livreur de lait à manœuvre, en passant par valet de ferme ou garçon de courses d'un boucher à Bâle et caddie-master au golf du Chalet-à-Gobet où les grands de ce monde pratiquaient leur sport.
Or, en 1942, René a eu ce qu'il appelait un coup de chance extraordinaire: il décroche un emploi fixe comme buraliste postal et facteur de son village. Enfin casé! C'était pour moi comme le paradis: entrer au service de la Confédération suisse. Dans trente-cinq ans, j'allais pouvoir chausser mes pantoufles etfumer ma pipe. Mais en 1946, au moment où Caux s'ouvre pour devenir un centre de rencontres internationales du Réarmement moral, René renonce à cette sécurité dont il avait si longtemps rêvé, et fait la folie de tout plaquer pour aller travailler à Caux sans salaire! Ce n'était pourtant pas un coup de tête. René l'expliquait ainsi (dans une interview publiée dans Changer en août 83) : J'ai acquis la conviction que Dieu avait un plan pour ma vie. Ma décision, en 1946, était un prolongement naturel de cette conviction.
J'avais trois points d'ancrage: 1) un sentiment de solidarité avec les ouvriers et les crève-la-faim ,. 2) une certitude qu'un cheminement spirituel amenait tout naturellement à prendre des responsabilités ,. 3) j'étais patriote, persuadé que la Suisse n'était pas le fruit du hasard. Si Dieu avait voulu qu'elle existe, c'est qu'Il avait une mission pour elle. Caux m'est apparu comme la démonstration de ce que la Suisse pouvait faire pour le monde. Son engagement ne s'est jamais démenti. Pas plus que ses amitiés, dont celle avec le professeur Henri Rieben, qui remonte au temps où ils étaient aux JP (Jeunes Paroissiens) et caddies au golf du Chalet-àGobet! René était un homme d'une intégrité totale, et qui était resté pleinement lui-même au milieu des gens qu'il côtoyait et qui venaient du monde entier, déclara le professeur Rieben lors de la réception à l'issue du service funèbre. Puis, brossant à grands traits une fresque historique, il replaça la vie et le travail de René dans le contexte des événements de l'époque. C'est une belle vie qui s'achève et donne envie, nous pouvons tous être reconnaissants, a-t-il conclu.
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